Billets qui ont 'Jeannelle, Jean-Louis' comme auteur.

Mémoires et littérature

Le dossier de rentrée d' Acta fabula porte sur le sujet de Mémoires et littérature, soit un étrange croisement entre le premier thème choisi par Compagnon au Collège de France ((Proust et la Mémoire de la littérature) et celui de l'année dernière, Ecrire la vie.

Je remarque qu'à côté des cours proprement dits, les séminaires ont été également mis en ligne. Je recommande Jean Clair, Rancière, Jeannelle et Lanzmann, ne serait-ce que pour juger des différences d'appréciation entre sejan et moi-même (parfois, il m'a vraiment semblé que nous n'assistions pas aux mêmes cours; nous avons vu à l'œuvre en direct la subjectivité de l'auditeur : fascinant).


J'ajoute, pour les allergiques aux fils RSS, le twitter de Fabula.

Antoine Compagnon au Collège de France en 2009

Les titres des séminaires ont été choisis par les intervenants, les titres des cours ont été donnés par moi.

Je rappelle qu'il s'agit de notes de cours, éventuellement renarrativisées, à ce titre comportant des approximations, peut-être même des erreurs : il serait dangereux de juger les intervenants d'après ces notes.
  • mardi 6 janvier 2009 - cours n°1 : faire de sa vie une œuvre
  • mardi 13 janvier 2009 - cours n°2 : La littérature doit être impersonnelle
  • mardi 20 janvier 2009 - cours n°3 : Trois tentatives d'écritures personnelles contemporaines
  • mardi 27 janvier 2009 - cours n°4 : L'importance de la photographie
  • mardi 3 février 2009 - cours n°5 : Soudain, un contrepied
  • mardi 10 février 2009 - cours n°6 : Moi continu, moi discontinu
  • mardi 17 février 2009 - cours n°7 : La honte, la mort, l'amour
  • mardi 24 février 2009 - cours n°8 : Le lecteur comme chasseur
  • mardi 3 mars 2009 - cours n°9 : Parlons de Barthes
  • mardi 10 mars 2009 - cours n°10 : Le chagrin et le deuil
  • mardi 17 mars 2009 - cours n°11 : Du Journal de deuil à La Chambre claire
  • mardi 24 mars 2009 - cours n°12 : L'émergence du concept de biographie
  • mardi 31 mars 2009 - cours n°13 : Histoire des histoires de vie(s)



  • mardi 6 janvier 2009 - séminaire n°1 (professé par A. Compagnon) - Introduction au thème des séminaires : le témoignage
  • mardi 13 janvier 2009 - séminaire n°2 par Franck Lestringant - Témoigner au siècle des Réformes - Le témoin et le martyr
  • mardi 20 janvier 2009 - séminaire n°3 par Bernard Sève - Témoin de soi-même? Modalités du rapport à soi dans les Essais de Montaigne.
  • mardi 27 janvier 2009 - voir chez sejan
  • mardi 3 février 2009 - séminaire n°5 par Jean-Louis Jeannelle – Les mémorialistes sont-ils de bons témoins de notre temps ?
  • mardi 10 février 2009 - séminaire n°6 par Tzvetan Todorov – Les Mémoires inachevés de Germaine Tillion
  • mardi 17 février 2009 - séminaire n°7 par Henri Raczymow
  • mardi 24 février 2009 - séminaire n°8 - Jean Clair et les géants
  • mardi 3 mars 2009 - séminaire n°9 - Le projet et la méthode d'Annie Ernaux
  • mardi 10 mars 2009 - séminaire n°10 par Jacques Rancière - L'indicible comme preuve du témoignage
  • mardi 17 mars 2009 - séminaire n°11 par Jean Rouaud - invention du réel, invention de la souffrance
  • mardi 24 mars 2009 - séminaire n°12 par Claude Lanzmann et Eric Marty
  • mardi 31 mars 2009 - dernier séminaire - dernier séminaire

Dernier séminaire

Ce dernier séminaire réunit Jean-Louis Jeannelle, Franck Lestringant, Antoine et Compagnon et Jean Rouaud (dans cet ordre devant nous). Ils vont prendre la parole tour à tour, rebondir sur un mot ou un autre.

Mes notes sont minimales, rien de très neuf n'est ressorti.

Antoine Compagnon (AC) commence par résumer les différents sémaires. Je note quelques mots sur
auquel je n'ai pas assisté, qui concernait Stendhal: «Mariella di Maïo a montré l'horreur de la campagne de Russie pour Stendhal et le silence qui l'entoure: l'horreur ne peut être relatée». (Compagnon inscrit ainsi cette intervention dans la lignée de celles qui nous ont montré les témoins se taire devant leurs souvenirs.)

Jean Rouaud (JR) intervient presque à contretemps ou contrecourant: — Là où est la souffrance, là est la littérature.
Franck Lestringant (FL) : — La souffrance ne suffit pas à créer le témoin, il faut une cause pour le martyrologue; et pour attester la cause, il faut un procès. Les protestants volaient les preuves et les publiaient, ils retourner les preuves en leur faveur. Sans preuve ni procès, les morts de la Saint-Barthélémy sont des persécutés, pas des martyrs.
AC: — Le témoignage est avant tout judiciaire.
JR: — Le témoignage a une valeur historique. Mais on peut aussi s'en servir pour faire de l'art. Par exemple, j'ai écrit sur la mort de mon père. C'est le pouvoir de l'écrivain de pouvoir mettre l'anonyme en lumière par la force poétique. On voit la différence d'approche quand on considère Germaine Tillion: elle n'est pas là pour utiliser la force poétique, ce n'est pas son approche.
On le voit avec La Trêve de Primo Levi, qui raconte son retour des camps. Il l'a écrit quinze ans plus tard. Il n'était plus dans l'urgence poétique, entre-temps il avait découvert la force poétique. Il y a de véritables pages d'ivresse poétique dans La Trêve. Si c'est un homme est écrit dans l'urgence du témoignage, La Trêve, c'est plus qu'un témoignage.

Jean-Louis Jeannelle: — Mais de quoi parle-t-on? Il s'agit soit d'une posture, soit d'un acte d'énonciation. En lisant les notes de sejan, je me suis rendu compte que l'importance chronologique n'est pas passée.
Il existe des périodes sur lesquelles nous avons beaucoup de témoignages, mais qui ne sont pas reçus: la guerre d'indochine et la guerre d'Algérie. Or les combattant d'Algérie sont nourris des rancoeurs de l'Indochine.
La guerre d'Algérie présente cette particularité que les deux camps ont écrit à peu près autant de témoignages l'un que l'autre. Pour une raison inconnue ou incompréhensible, ces ego-témoignages (égaux-témoignages) ne sont pas exploités.
Les Mémoires sont politiques; les témoignages relèvent de l'éthique.

Ici je ne sais plus qui a parlé.
??? — Qu'y a-t-il comme témoignage littéraire sur les guerres d'Indochine et d'Algérie? Jules Roy pour l'Indochine, Guyotat et Tombeau pour cent mille soldats pour l'Algérie…
JLJ: — Ils ne sont pas beaucoup lus… On les découvrira peut-être dans quelques années… il a fallu du temps avant qu'on lise les lettres des poilus…
AC: — C'est le cinéma, plutôt, qui a témoigné pour l'Algérie et l'Indochine.
JLJ: — Sans beaucoup de succès, d'ailleurs. La bataille d'Alger , c'est formidable, et pourtant cela n'a pas eu beaucoup de succès.
?? : — non… plutôt les films sur l'Indochine.

Le premier souci des survivants, c'est d'oublier. Le témoignage n'est pas un souci esthétique.

Jean Rouaud a visité aux Etats-Unis un musée des cow-boys contenant des tableaux de Remington de toute beauté qui saisissaient l'instant.
Urgence de saisir une civilisation en train de disparaître (= les indiens entre 1875 et 1915) => refus d'une réflexion d'avant-garde sur la peinture. La peinture doit témoigner, c'est le plus urgent.
AC: — Peut-on dire que l'orientalisme français reflète la même urgence, le mêm souci…?
FL: — Je pense aussi aux peintures brésiliennes… à Claude Levi-Strauss… Est-ce Lestringant ou Rouaud qui a continué sur Levi-Strauss?
Levi-Strauss voulait écrire un roman. La première phrase de Tristes tropiques est une phrase de roman.
Mais entretemps était paru L'ère du soupçon, etc : ce n'était plus possible… (AC: — D'où l'embarras des jurés du Goncourt qui aurait voulu lui donner le prix. Cela n'a pas été possible puisqu'il est réservé à "une œuvre d'invention")

JR:— L'autre jour, j'étais assis en compagnie de trois écrivains africains (noms non notés). Tous les trois avaient des pères analphabètes. Pour eux, l'urgence est de témoigner, pas de réfléchir sur la forme1.

JR: — Le témoignage n'intéresse que s'il raconte quelque chose de suffisamment tragique.
AC: — Le témoignage est une incarnation. Mais il y a aussi incarnation par la littérature.


Note
1 : remarque personnelle: Le fond de cela, en fait, est une réflexion sur le langage: à quoi sert-il?
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